2023, Vie locale

Publié le samedi 11 novembre 2023

Cérémonie du 11 novembre

Ce matin, le Conseil Municipal, les associations patriotiques, les autorités civiles et militaires, le Conseil Municipal des Jeunes (CMJ), la Société Nationale de Sauvetage en Mer, les sapeurs-pompiers de Dinard ainsi que les élèves du collège Le Bocage ont commémoré l’Armistice de la Grande Guerre sur la place du Général De Gaulle.

Après les allocutions d’Arnaud Salmon, Maire de Dinard, et des élèves du collège Le Bocage, Pascal Guichard, Président de la Communauté de Communes de la Côte d’Emeraude, a lu un message du Ministre des Armées Sébastien Lecornu.

Suite aux traditionnels dépôts de gerbes, l’école de musique Maurice Ravel de Dinard a exécuté les hymnes nationaux de la Belgique, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de la France.

 

Enfin, un vin d’honneur était offert par la municipalité au sein du square Jean Moulin.

 

Allocution d’Arnaud Salmon, Maire de Dinard

 

Monsieur le Président de la CCCE, Cher Pascal,

Mesdames et Messieurs les Adjointes et Adjoints, Chers Collègues,

Mesdames et Messieurs les élus du Conseil Municipal de Dinard, Chers Collègues,

Monsieur le Commandant, Cher Pascal Le Mestreallan,

Mesdames et Messieurs les représentantes et représentants des associations patriotiques,

Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux,

Mesdames et Messieurs en vos grades, titres et qualités,

 

Chers amis,

Eté 1914, une belle saison s’annonce à Dinard. Le 2 août, les vacanciers se promènent parés de leurs plus beaux atours sur la plage de l’Ecluse. A cette époque cependant, seules les personnes fortunées peuvent, majoritairement, profiter des charmes de notre belle Ville balnéaire. L’insouciance, la joie règnent jusqu’à ce que, telle une ondée orageuse, le tocsin qui résonne partout à travers la Ville, vide la plage de tous ces badauds en quelques secondes.

La guerre vient d’être déclarée, les ouvriers quittent les chantiers des villas en construction, eux aussi, en quelques minutes. Dans deux mois nous serons à Berlin, dans trois mois nous serons de retour. Voilà ce que l’on peut entendre alors que Dinard se vide progressivement.

L’intelligence du Maire de l’époque, Paul CROLARD, fût bien d’être prévoyant et de ne pas céder à l’opinion commune selon laquelle la guerre serait de courte durée. Il sent que nous allons faire face à quelque chose de terrible et de bien plus long. L’histoire lui donnera raison hélas.

Très peu de temps après le début des hostilités, notre Ville trouve sa vocation d’accueil des blessés. Sa situation éloignée du front, ses bons accès par le chemin de fer, ainsi que ses nombreux établissements hôteliers, en font la Ville idéale pour accueillir nos soldats mais aussi ceux de nos alliés qui tombent par milliers chaque jour sur les lignes de front.

La solidarité s’organise avec conviction et dévouement et la population se mobilise, notamment les familles les plus fortunées de l’époque (Thorel, Rochaïd, Gauthier et bien d’autres), pour envoyer des colis aux soldats ou aux prisonniers de guerre. De nombreux hôtels sont réquisitionnés. D’abord le Royal puis le Crystal, le Grand Hôtel, les Bains, la Plage, la Vallée, les Terrasses mais aussi les casinos.

L’Hôtel Royal du fait de sa configuration et de sa taille devient un Hôpital de campagne où ont lieu des opérations lourdes. Des milliers de blessés vont être soignés à Dinard.

La commune, quant à elle, traverse une crise financière sans précédent et le ravitaillement de la population civile devient, peu à peu, un souci majeur. Par mesure d’économie, par exemple, on restreint ou supprime purement et simplement l’éclairage public dans certaines rues car les prix du gaz s’envolent. Les femmes travaillent dans tous domaines pour compenser l’absence des hommes. Elles sont, également, au chevet des blessés et des mutilés en tant qu’infirmières. Leur rôle dans la société va croissant du fait de cette situation de guerre. Ces 4 années épouvantables marqueront à jamais Dinard et le monde entier.

Quand enfin, le 11 novembre 1918 à 11 heures, les cloches résonnent dans la France entière pour marquer l’armistice signée à 5 h 15 le matin même dans le wagon salon du maréchal Foch, dans la forêt de Compiègne, celles de l’église de Dinard s’emballent de la même manière. La guerre, cette terrible guerre, est terminée.

Il est difficile de décrire la liesse populaire de ce jour historique et si particulier. Dans les nombreux témoignages qu’ils nous restent, il y a de la joie certes mais aussi de l’épuisement, de l’amertume, de l’incertitude. Tant de morts, tant de blessés, une jeunesse entière sacrifiée, tant de choses à reconstruire mais aussi tant d’espoirs et de vies définitivement brisées.

Dinard n’a pas subi les destructions massives des lignes de front, mais les plaies sont bien là malgré tout. 341 morts au champ d’honneur ou disparus sont comptabilisés soit 1 hommes sur 5, appelé sous les drapeaux. Nos frères dinardais auront participé à toutes les grandes batailles marines et terrestres si tristement célèbres : Verdun, les Dardanelles pour ne citer qu’elles.

La grande guerre aura fait 18,6 millions de morts à travers le monde dont 8 millions de civils. Ces chiffres donnent le vertige.

Notre pays, la France, comptabilise à lui seul 1,4 millions de morts, nos frères britanniques 935.000 tués.

Nos frères allemands d’aujourd’hui pleurent, quant à eux, 1,9 millions de morts.

Ces chiffres ne sont pas de simples chiffres. Il y a des souvenirs, des vies, derrière chacun d’entre eux.

Notre Ville décide en décembre 1918 d’ériger un monument aux morts comme dans l’ensemble des communes françaises, en mémoire des soldats français et belges décédés dans les hôpitaux français. 204 d’entre eux ont rejoint les cieux dans nos hôpitaux dinardais durant ces 4 ans.

Le monde panse doucement ses plaies, fait face à la sidération d’un conflit sans précédent. Le soir du 11 novembre Georges Clémenceau confie au Général Mordacq : « Nous avons gagné la guerre et non sans peine. Maintenant il va falloir gagner la paix, et ce sera encore plus difficile. »

La paix gagnée dans un bain de sang mondial. Les survivants savent que le monde ne sera plus jamais le même. Ce qu’ils ne savent pas encore c’est que la paix sera de courte durée et que l’histoire sera marquée, une fois de plus et à jamais, 20 ans plus tard par une guerre mondiale encore plus meurtrière et effarante que la soi-disant « der des der ».

Mes chers amis qu’est ce que tout cela peut nous apprendre, et surtout vous les enfants, les jeunes qui n’avez connu que la vie en temps de paix ?

La paix n’est pas une évidence, elle n’est pas acquise, c’est un effort constant, cela ne tient parfois pas à grand-chose, hélas. Nous la devons bien souvent au courage et à la ténacité d’hommes et de femmes que rien ne prédestinait nécessairement à se battre ou agir.

La situation dans le monde, à l’heure actuelle, doit nous interpeller. Il y a encore en 2023 des théâtres de conflits où les populations souffrent, sont tuées, blessées, mutilées comme l’ont été nos frères et sœurs par le passé.

La guerre n’est jamais une bonne chose, elle n’est pas amusante, elle n’est pas un jeu vidéo, ni un film. Il ne suffit pas d’éteindre un écran pour que tout se termine.

Entre 1914 et 1918, la fin, pour tous ces noms gravés sur notre monument, a été marquée par une balle reçue, un obus explosant, un coup de baïonnette mortel, un gaz respiré, une noyade, un hasard meurtrier et définitif.

Et que dire des survivants parfois marqués à jamais, tellement marqués dans leurs chairs et leurs âmes, qu’ils n’ont jamais pu réapprendre à vivre normalement. Que dire des mutilés, des « gueules cassés », de tous ces blessés, touchés dans leur dignité mais aussi leurs esprits ? Que dire des paysages naturels définitivement défigurés par les millions d’obus déversés ? Que dire du million de chevaux courageux, et de tous ces chiens qui ont réconforté puis, malheureusement, souvent accompagné nos soldats français dans la mort ?

Que dire des morts non identifiables, tellement méconnaissables, qu’il n’a pas été possible pour leurs familles de faire leur deuil comme les autres ? Que dire de tous ceux, enfin, qui n’ont jamais été retrouvés ?

Il n’y a, aujourd’hui, plus aucun témoin vivant de cette guerre. Cela ne doit, malgré tout, jamais conduire à l’oubli.

La guerre, quelle qu’elle soit, est toujours un drame, un échec qui doit toujours être évité.

Vous devez être les porteurs de ce message, vous la jeunesse.

En mémoire de vos ancêtres de toutes origines, de tous ceux qui ont attendu avec la peur au ventre, dans les tranchées, dans les campagnes, dans les avions, sur terre, sur la mer ou dans les airs, de savoir si leurs vies allaient prendre fin ou si le destin leur attribuerait une journée, une semaine, un mois ou une année de plus.

J’ai lu quelques lettres de poilus durant ces dernières semaines avant de prendre la parole ici devant vous tous. Ce qui ressort de celles que j’ai pu lire, c’est surtout de l’amour, de l’espoir. De l’amour déclaré par les soldats à leurs familles, leurs amis, leurs proches. De l’espoir de les revoir, de pouvoir retrouver leurs vies, des souvenirs heureux auxquels se raccrocher dans l’adversité qu’ils vivaient. Ils parlent de la guerre bien sûr, évoquent leur quotidien mais veulent surtout revenir pour vivre en paix.

La vie, la paix sont des cadeaux. Ils doivent être préservés, chéris et honorés tout comme le sacrifice de ces combattants, de ces civils.

Ayons, en ce jour, une pensée pour toutes et celles et ceux qui subissent les horreurs de la guerre à travers le monde car s’il est bien une chose que nous, français, tout comme nos alliés, nos frères à travers le monde, connaissons, et dont nous témoignons chaque année le 11 novembre, depuis 105 ans, c’est bien le prix de la paix.

Mes chers amis, en ce 11 novembre 2023, Vive la République et Vive la France et, surtout, que vive la paix…